Vous êtes au Moyen Âge, dans un village de l’Europe du Nord. Vous conduisez votre vie paisible et médiévale, en faisant tout les choses que les gens faisaient au Moyen Âge: fabriquer des fers à cheval, construire des cathédrales, labourer des champs de patates…
1024px-06484_quedlinburg2c_germany_-_panoramio_28729
(source image)
Un jour, dans votre village, il y a un incendie. Ou peut-être un risque d’inondation. Ou encore, une invasion de loups-garous. Bref, le village est menacé, et il faut faire face à la menace. Tout le monde arrête son activité, et se lance dans le Grand Effort Collectif, pour sauver le village: tout outil pouvant servir à la défense du village est utilisé, tout individu vaillant est mobilisé, et cela jusqu’à que l’incendie soit éteint, l’inondation soit contenue, les loups-garous chassés ou tués. Et, une fois que la menace est passée, tout le monde peut revenir à ses activités.
Le Grand Effort Collectif est un des archétypes fondateurs de la société européenne. C’est grâce au Grand Effort Collectif que les villes et villages d’Europe ont pu survivre et prospérer. Et encore on a des traces du Grand Effort Collectif dans plusieurs institutions contemporaines. Par exemple, en Suisse, tout citoyen doit pouvoir se mobiliser rapidement en cas de menace pour le pays: tout le monde fait des essais de tir un fois par année, et plusieurs personnes gardent à la maison leur arme de service.
escalade-battle-2
Le Grand Effort Collectif comme mythe fondateur de la République de Genève. L’Escalade. (source image)

Pour que un Grand Effort Collectif puisse réussir, il faut remplir les 5 conditions suivantes:
  • La population à mobiliser doit être relativement petite et homogène.
  • L’effort doit se faire sur une courte période
  • les menaces ne doivent pas être trop fréquentes
  • La menace à combattre doit être identifiable sans aucun doute.
  • La menace doit porter une atteinte réelle à l’ensemble de la population.
Chaque fois que une condition n’est pas remplie, le Grand Effort Collectif est moins efficace:
  • s’il y a trop de personnes à mobiliser, il y a un grand risque qu’il y ait des intérêts contrastants et d’opinions différentes.
  • si l’effort se porte sur une trop longue période, les personnes perdent peu à peu la motivation et arrêtent de se battre.
  • Si les menaces sont trop proches les uns des autres, on peut bien décider qu’il ne vaut pas la peine de se battre pour quelque chose d’indéfendable.
  • Si la menace n’est pas clairement identifiable, on pourrait se questionner sur sa réelle existence.
  • Si la menace ne porte pas atteinte à la population, mais au contraire avantage certains groupes, certaines personnes seront tentées de changer de champ et combattre activement à côté de la supposée menace.

Aujourd’hui, il est très rare que les conditions pour un Grand Effort Collectif soient réunies, mais cet archétype reste bien vivant. Les appels au Grand Effort Collectif se multiplient, et sont à chaque fois destinés à l’échec. Prenons l’exemple des changements climatiques.
1024px-polar_bear_adf
(source image)
Le discours sur les changements climatiques se basent sur trois facteurs:
  1. les activités humaines modifient le climat.
  2. les modifications du climat dues aux activités humaines porteront à des conséquences catastrophiques.
  3. Si on se rassemble tous dans un Grand Effort Collectif, on arrivera à inverser les changements climatiques.
Et allons l’examiner sur la base des 5 conditions précédemment énoncées:
  • Pour contraster les changements climatiques, il faut que tous les 7 milliards d’humains sur la planète fassent un effort et modifient leur style de vie. Il est fort probable que il y aura au moins une centaine de millions de récalcitrants.
  • La mobilisation contre les changements climatique existe depuis au moins une trentaine d’années, sans solution de continuité.
  • Il y a même des personnes qui sont nées après le début de la mobilisation, et qui ont été mobilisés contre les changements climatiques pendant toute leur vie.
  • Les effets des changements climatiques restent toujours peu visibles. Il y a quelques glaciers qui reculent, quelques espèces qui disparaissent au fin fond de la forêt amazonienne, mais globalement le monde tel qu’on le connait reste toujours le même.
  • Les changements climatiques ont permis d’ouvrir des nouvelles routes commerciales à travers l’Arctique. Actuellement, il y a même des personnes qui tirent des bénéfices des changements climatiques.
Dans ces conditions, il est normal que la plupart des personnes, mises devant à un militant qui leur rappelle l’urgence de lutter contre le changement climatique, réponde avec un « bof! » ou, à la limite, avec une mobilisation de complaisance, pour ensuite continuer leur vie comme avant.
diesel_global_warming_ny
(source image)
Et pour les militants, se retrouver dans un combat dont personne ne veut, c’est difficile. Si les changements climatiques tardent à se manifester, il faut créer des symboles, montrer des images terribles, créer des rituels, des chants, pour rester motivés.
Le Grand Effort Collectif est devenu une religion, et croire en la Grande Menace du Réchauffement Climatique est devenu un acte de foi. Deuxième exemple, le coronavirus. Les discours sur le Coronavirus se basent sur trois facteurs:
  1. Le nombre de contaminations augmente toujours, et de plus en plus vite.
  2. Si cette augmentation se poursuit, le virus tuera tout le monde.
  3. Si on se rassemble tous dans un Grand Effort Collectif, on arrivera à inverser la courbe et a vaincre le méchant virus.
4ffd8a6f1edd688a094a64e24ebd-1608796 Et ici aussi nous retrouvons les 5 mêmes conditions:
  • Pour contraster le coronavirus, il faut que tous les citoyens du pays fassent un effort et modifient leur style de vie. Il est fort probable que il y aura au moins un 20% de recalcitrants.
  • Au départ, la mobilisation contre le coronavirus devait durer 2-3 semaines. Puis il y a eu la crainte d’une deuxième vague, donc on rempile pour 6 mois de plus. Puis, il faut tenir jusqu’au vaccin. Et maintenant certaines personnes souhaitent que les masques et la distanciation sociale rentrent dans les moeurs.
  • Les effets du Coronavirus restent toujours peu visibles. Il y a quelques personnes qui doivent aller à l’hôpital, quelques uns qui en meurent, mais la très grande majorité s’en tire avec un rhume, ou au pire avec une grosse grippe.
  • S’il n’y a pas des personnes qui tirent des bénéfices du coronavirus, il y a toute une partie de la population qui tire un bénéfice à ne pas suivre les gestes barrières. On voit notamment que l’application des gestes barrières est inversement proportionnelle au succès en amour et dans les affaires.
Dans ces conditions, il est normal que la plupart des personnes, mises devant à un gouvernement qui leur rappelle l’urgence de lutter contre le coronavirus, répondent avec un « bof! » ou, à la limite, avec une mobilisation de complaisance, pour ensuite continuer leur vie comme avant.