Dans le billet précédent, je vous avais parlé de mon expérience pas très positive avec les monnaies locales, et j’avais décrit la spécialisation qui arrive toujours dans une zone de libre échange, soit au niveau national (Paris, Milan, Londres…) soit au niveau européen (Europe Rhénane), soit au niveau mondial (la concentration des industries en Asie).

Repartons de là, et allons voir le rôle des monnaies locales.

autocollant_cigalonde (source image)

Les monnaies locales naissent avec le but de contraster cette hyper-spécialisation typique des grandes communautés de libre-échange. L’idée est celle de construire une communauté de libre-échange à petite échelle, de manière à rendre plus faciles les échanges entre les membres de la communauté et rendre plus difficiles les échanges entre les membres de la communauté et l’extérieur.

Dans la pratique:

  • le consommateur change son argent en monnaie locale (pour la suite, on les appellera $$$), au taux de 1 CHF =1 $$$
  • le consommateur paie ses achats en $$$ chez les commerçants membres de la communauté (toujours au taux de 1 CHF = 1 $$$)
  • les commerçants paient en $$$ leurs fournisseurs qui sont membres de la communauté, paient en $$$ les salaires de leurs employés (le tout, toujours au taux de 1 CHF = 1 $$$) et les $$$ circulent entre les membres de la communauté.
  • Les $$$ peuvent être à tout moment convertis en CHF, au taux de 1 $$$ = 0.95 CHF. Les 0.05 CHF perdus dans l’échange servent à couvrir les frais de fonctionnement de la monnaie locale.

Si ce système est intéressant pour les entreprises membres de la communauté, pour les consommateurs il n’y a aucun avantage. Le consommateur peut choisir entre:

  • aller dans un magasin, et acheter sa marchandise en CHF.
  • aller au bureau de change, changer ses CHF en $$$, aller dans un magasin, acheter sa marchandise en $$$. S’il reste avec des $$$ en poche après l’achat, le consommateur devra trouver un autre magasin qui accepte les $$$.

Si les deux options semblent équivalentes du point de vue financier, la deuxième option introduit un niveaux de complexité supplémentaire qui la rend moins avantageuse pour le consommateur (C’est souvent le cas pour les idées venant du monde alternatif. « Allez, pour sauver la planète, il faudra faire un petit effort! »).

Redessinons la monnaie locale pour redistribuer les avantages entre entreprises et consommateurs. Le résultat sera une Monnaie Locale Keynesienne (en hommage à John Maynard Keynes):

  • Pour entrer à faire partie de la Communauté Locale de Libre Échange, chaque entreprise verse une cotisation annuelle.
  • Pour chaque CHF de cotisation payé par les entreprises membres, la communauté émet 5 $$$.
  • Les consommateurs achètent les $$$, au taux de 1 $$$ = 0.80 CHF. Les 0.20 CHF restantes sont payés par les cotisations des entreprises.
  • Les $$$ sont émis en quantité limitée (le montant total des $$$ émis équivaut à 5 fois le total des cotisations). Pour ajouter un but social, on pourra destiner les $$$ en priorité à des personnes défavorisées.
  • les consommateurs paient leurs achats en $$$ chez les commerçants membres de la communauté, au taux de 1 CHF = 1 $$$. Dans la pratique, cela équivaut à un rabais de 20% pratiqué par l’ensemble des entreprises membres de la communauté.
  • les commerçants paient en $$$ leurs fournisseurs qui sont membres de la communauté, paient en $$$ les salaires de leurs employés (le tout, toujours au taux de 1 CHF = 1 $$$) et les $$$ circulent entre les membres de la communauté.
  • Les $$$ peuvent être à tout moment convertis en CHF, au taux de 1 $$$ = 0.75 CHF. Les 0.05 CHF perdus dans l’échange servent à couvrir les frais de fonctionnement de la monnaie locale.
  • Pour chaque $$$ reconverti en CHF, la Communauté  Locale de Libre Échange libère 0.20 CHF. Cette somme peut être utilisée comme fonds de solidarité pour les entrepreneurs en difficulté financière, ou pour des autres usages à discrétion de la communauté.

Une monnaie de ce type vous intéresse? Aimeriez-vous la mettre en pratique? Contactez-moi!